Les Impatientes est un magnifique roman de Djaïli Amadou Amal, un roman choral. Inspiré de faits (malheureusement) réels, la narratrice en a probablement vécu elle-même certains moments, je préfère dire qu’il s’agit d’un « roman non-fictionnel ». Choral, parce que trois femmes, Les Impatientes, nous racontent chacune leur tour un versant d’une même histoire. Magnifique parce que l’écriture est belle, vraie, sans fioritures, sans fla-fla ; c’est brut souvent, dur parfois, on navigue entre journalisme et histoire romancée. On y découvre surtout une tradition différente, où la place de la femme et son libre-arbitre sont unanimement niés.
« Munyal, Patience... » c’est ce que l’on demande aux femmes peules lorsqu’on les marient. Car elles ne se marient pas, non. « On » les marient ; « on » c’est la famille, la société, la religion, l’histoire, les traditions. « Munyal, Patience…« , c’est le leitmotiv qui conduira désormais leur vie. Alors, chacune leur tour, Ramla, Hindou et Safira vont nous raconter leur version de cette fameuse Patience, entre mariage forcé, polygamie, viol conjugal et solitude. Aucune n’en sort indemne, ni elles qui le vivent dans leur cœur et dans leur chair, ni nous à la lecture de ce roman.
Les Impatientes n’est pas un nouveau roman, puisque la première version est sortie en 2017. Il a déjà reçu plusieurs prix en Afrique et est sélectionné pour le Goncourt 2020. Vous en entendrez sans doute parler pour cela. Mais la seule vraie raison pour courir lire Les impatientes, c’est pour le talent de Djaïli Amadou Amal qui nous transporte au Cameroun, au sein des mariages peuls et de cette culture que l’on connait si peu voire pas du tout. C’est pour son talent qui nous donne à voir, si on l’avait oublié, à quel point la place des femmes, la voix des femmes doit encore être défendue dans le monde. Il semble qu’il y ait encore des gens qu’il faille convaincre que, non, les toutes femmes dans le monde ne sont pas libres, en sécurité, écoutées, aimées, considérées. Rien que pour cette raison, le Goncourt accordé à Djaïli Amadou Amal permettrait de diffuser largement ce que, sous couvert de tradition culturelle, certaines femmes subissent encore de nos jours de la part de celui qu’on appelle « leur mari » et qu’elles n’ont pas choisi.