Il est des livres dont on passe à côté parce qu’on les a lu trop jeunes. Le Portrait de Dorian Gray, écrit en 1890 par Oscar Wilde, en fait partie. A l’âge de 15 ou 16 ans, il s’agissait d’une lecture obligatoire en cours de français. Malheureusement, à cet âge-là, je passais l’essentiel de mes journées à refuser les obligations. On ne peut pas dire que je ne lisais pas, non. Mais par principe, je refusais toute lecture imposée. Je l’avais donc vaguement parcouru, suffisamment pour répondre aux questions de l’examen mais pas assez pour m’en souvenir vraiment.
C’est donc une redécouverte de l’été que la lecture du Portrait de Dorian Gray. J’avais gardé en tête le côté vaguement fantastique du tableau qui se transforme, mais j’étais totalement passé à côté de la lutte entre le Bien et le Mal et de leurs représentations sous les traits des personnages : Harry, Basil, Sybil et bien sûr, Dorian. Oscar Wilde y dépeint aussi les bas-fonds londoniens, les fumeries d’opium et la grande hypocrisie des salons bourgeois de l’époque, où le « bon mot » fait (ou défait) la gloire et la réputation des lords et des dandys (les femmes ont peu de place dans ce roman et sont souvent dépeintes sous des traits peu flatteurs).
“L’homme veut être le premier amour de la femme, alors que la femme veut être le dernier amour de l’homme.”
Le Portrait de Dorian Gray
On a souvent dit que le tableau « vieillissait » à la place de Dorian qui, lui, garde la fraicheur de la jeunesse. Je trouve cela réducteur. Plus qu’un simple vieillissement, le portrait reflète surtout l’âme de Dorian et ses tourments, son cynisme et la noirceur des ses actes.
Subtilement, Oscar Wilde effleure aussi le sujet de l’homosexualité, pour laquelle il sera lui-même condamné et emprisonné quelques années plus tard. Il se permet d’inclure une longue déclaration d’amour, que fait Basil à Dorian, sans jamais parler d’homosexualité ouvertement, bien sûr, la morale de l’époque ne l’aurait pas supportée. Mais il s’agit cependant bien d’une déclaration, même si nous n’en avons qu’une version expurgée, Oscar Wilde a effectivement revu son manuscrit, la première version ayant été jugée trop scandaleuse.
« Les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais. »
Le Portrait de Dorian Gray
Le Portrait de Dorian Gray est à la fois un conte fantastique et philosophique qui, s’il présente parfois quelques longueurs et digressions (à mon humble avis), se laisse (re)lire avec plaisir, ne serait-ce que pour apprécier l’écriture incisive d’Oscar Wilde, dont ce fut là le seul et unique roman.