Kukum

Quand on vit au Québec, ou que l’on aime la littérature québécoise, il est impossible de passer à côté de Michel Jean. Écrivain d’origine innue, il a beaucoup écrit sur sa famille, sa communauté. En 2022, je me souviens de nouvelles découvertes macabres de tombes d’enfants dans certains pensionnats du Québec. Ces histoires avaient bouleversé nombre d’entre nous. Ceci avait remis en avant un de ces romans Le Vent En Parle Encore paru en 2013, qui traite justement de l’envoi forcé des enfants autochtones dans des pensionnats religieux.

Trop bouleversée à l’époque par ces révélations de traitements inhumains, j’avais préféré acheter Kukum. L’histoire d’une toute jeune femme québécoise qui, par amour, rejoint la communauté innue. Livre que j’avais posé dans ma Pile A Lire. Et que j’ai oublié. Puis, il y a quelques jours, une de mes amies québécoises m’a offert son dernier livre Tiohtiá:ke, qui évoque les itinérants autochtones présents dans les villes. Je me suis dit qu’il était temps de me plonger dans l’univers de Michel Jean et de commencer par Kukum qui a notamment reçu le prix France-Québec en 2020 (gage, la plupart du temps de littérature de qualité). Je confirme. Quel plaisir de lecture, quelle finesse d’écriture !

Kukum, « grand-mère », c’est l’aïeule de Michel Jean. Elle a vraiment existé, Almanda Siméon, petit bout de femme qui n’a pas eu peur de se marier à 15 ans avec un Indien ni de le suivre dans la vie alors nomade des Innus. Autour du lac Pekuakami (ce qui m’a permis de découvrir l’autre nom du Lac-Saint-Jean), puis surtout dans les bois, le long de la rivière Peribonka, à travers les Passes-Dangereuses, pour monter installer le campement d’hiver encore un peu plus au Nord. Elle mettra au monde 9 enfants, affrontera les terribles hivers canadiens au creux des tentes innues, apprendra à chasser, à poser des pièges, à fumer la pipe sans vomir. Elle défendra surtout bec et ongles son mode de vie innue, jusqu’au plus hautes instances du pouvoir, mais devra s’adapter aux changements brutaux et à l’enfermement qui seront imposés aux autochtones au fil du temps.

Au-delà de vie d’Almanda elle-même, c’est la découverte d’un mode de vie disparu, c’est la puissance des éléments, la force des hivers, le calme de la forêt et l’interconnexion du peuple Innu avec le territoire qui m’a emportée. On y constate aussi malheureusement la violence de l’homme de pouvoir, qui vient détruire la nature, les modes de vie en place, sans considération de l’existant, sans respect du vivant, juste pour satisfaire son besoin de profit. Attitude que l’on retrouve dans tous les pays et territoires colonisés, quel que soit le continent, encore de nos jours.

J’ai terminé Kukum, un peu triste de laisser Almanda et les siens. Mais je vais pouvoir continuer la découverte de l’univers de Michel Jean en me plongeant de ce pas dans Tiohtiá:ke.