Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion de faire une chronique d’un livre de Michel Jean, Kukum. Je terminais en vous disant que j’allais poursuivre ma découverte de l’œuvre de cet écrivain majeur au Québec en me plongeant dans son dernier opus, Tiohtiá:ke, qui venait de m’être offert par mon amie Nathalie, à l’occasion de son passage à Paris.
C’est chose faite cet été ; j’ai profité du calme des vacances pour plonger dans l’histoire d’Elie Mestenapeo, issu de la communauté innue de Nutashkuan. Elie sort de prison où il a purgé une peine de 10 ans pour le meurtre de son père. Dans sa communauté, après un parricide, c’est l’exclusion définitive. Personne n’attend Elie à sa sortie de prison, même pas sa mère qu’il a pourtant protégée, et il n’a aucune possibilité de retourner chez lui. Reste donc la solution de prendre le car pour se rendre à la grande ville, Montréal, en espérant qu’un avenir meilleur s’y profile.
Malheureusement, à son arrivée, il se fait rapidement dépouiller de ses maigres possessions. C’est donc contraint par les évènements qu’il rejoint la communauté des autochtones itinérants, lesquels sont légion à Montréal.
Tiohtiá:ke, c’était le nom mohawk de Montréal avant que les Européens n’y arrivent. C’est l’endroit où certains Autochtones, qu’ils aient dû fuir ou soient sortis volontairement de leur communauté d’origine, viennent échouer leurs espoirs et leurs rêves sur les bord du Square Cabot. Elie va petit à petit apprivoiser ce nouvel environnement qui peut paraitre hostile, vu de l’extérieur. Il saura saisir ses chances et se créer une nouvelle vie, de nouveaux amis, de nouveaux rêves.
Je n’ai pas tout aimé du roman Tiohtiá:ke. En particulier, je ne peux empêcher le sentiment d’une vision idéalisée de l’évolution du personnage d’Elie. De même, pour avoir vu souvent les groupes d’itinérants autochtones à Montréal, la violence de leurs échanges généralement liés à leurs addictions (l’alcool et la drogue), j’ai trouvé que Michel Jean en donnait une image un peu lisse, un peu trop gentillette. Reste néanmoins de nombreux points passionnants qui nous permettent d’ouvrir les yeux pour mieux comprendre : ses explications sur les traditions des différentes communautés, les raisons qui poussent certains au départ, le traitement qu’ils reçoivent parfois à l’arrivée dans une grande ville, le racisme et l’ostracisation auxquels ils doivent faire face, la solidarité et l’entraide qui existent malgré tout.
Tiohtiá:ke reste un roman à lire pour mieux comprendre les itinérants Autochtones. L’écriture de Michel Jean est agréable et il a l’art de vous embarquer dans l’histoire. Je suis donc en partance pour acheter un autre de ses romans, Atuk, où je devrai retrouver un peu de l’esprit et des personnages de Kukum